17/05/2016
L'entretien du pape : [2] les "racines chrétiennes"
François recentre cette notion :
Sébastien Maillard (La Croix) interroge le pape sur l'expression ''racines chrétiennes''. Réponse :
« Quand j'entends parler des racines chrétiennes de l'Europe, j'en redoute parfois la tonalité, qui peut être triomphaliste ou vengeresse. [...] Jean-Paul II en parlait avec une tonalité tranquille. L'Europe, oui, a des racines chrétiennes. Le christianisme a pour devoir de les arroser, mais dans un esprit de service comme pour le lavement des pieds. Le devoir du christianisme pour l'Europe, c'est le service. […] L'apport du christianisme à une culture est celui du Christ avec le lavement des pieds, c'est-à-dire le service et le don de la vie. Ce ne doit pas être un apport colonialiste... »
Commentaire :
► La première phrase dénonce l'équivoque d'une expression à double sens. Souvent ceux qui parlent le plus fort des ''racines chrétiennes'' ne sont pas des chrétiens pratiquants, et s'irritent des positions évangéliques de l'Eglise. Souvent aussi, ils sont liés aux identitaires d'ultra-droite. Ces derniers sont présentés comme catho-compatibles au nom d'un engagement, censé « commun », en faveur « des racines et de l'identité »... C'est oublier que les notions de racines et d'identité n'ont pas le même contenu pour le catholique et pour l'identitaire néo-païen : chez ce dernier, elles véhiculent un subjectivisme ethnique* impliquant un rejet radical du Christ et du christianisme. Les identitaires tendent la main aux catholiques en invoquant un combat commun : si les catholiques acceptent cette main tendue, ils acceptent l'idée que quelque chose soit ''plus important'' (ou ''plus urgent'') que la foi au Christ. Ils se laissent ainsi infuser un relativisme mortel pour la foi ! D'autant que la vision des ''racines chrétiennes'' déployée par les identitaires est toujours ''triomphaliste ou vengeresse'' : aux antipodes de l'Evangile, qu'ils conseilleraient volontiers de laisser dans un placard.
► ''L'apport du christianisme à une culture est celui du Christ avec le lavement des pieds'', dit le pape. C'est aux antipodes de la conception identitaire... Lorsque l'ultra-droite emploie la formule ''racines chrétiennes de l'Europe'', ce n'est pas pour dire ''apport permanent de l'Evangile à une culture'' (faire naître des formes renouvelées à chaque époque de l'histoire). Au contraire : c'est pour condamner le présent au nom d'un passé essentialisé. Le catholique qui cède à cette vision déserte le combat chrétien : évangéliser au présent.
► ''Ce ne doit pas être un apport colonialiste...'' Pour l'Argentin Bergoglio, proche de la ''théologie du peuple'' (ou ''école de Buenos Aires''), le terme ''colonialisme'' n'a pas le même sens que pour un Français et n'est pas vu sous le même angle. D'abord parce que l'Eglise latino-américaine – à partir de la conférence de Medellin (1968) – s'est émancipée de la tutelle européenne pour devenir à son tour ''Eglise source'' et non plus ''Eglise miroir''. Ensuite, parce que la théologie du peuple argentine met l'accent sur l'évangélisation des cultures : l'inculturation de l'Evangile, travail perpétuellement à reprendre car les cultures sont mouvantes... Dans cette perspective, le mot ''colonialisme'' désigne la figure antagoniste : non l'enracinement (vivant et mouvant) de l'Evangile dans les diverses cultures, mais le plaquage d'un modèle unique sur des réalités qui s'y dérobent. Un exemple de ce plaquage est le slogan catho-identitaire ''la France est chrétienne et le restera'', alors qu'en 2016 les Français dans leur grande majorité ne sont pas chrétiens... et ne savent même pas ce qu'est la foi chrétienne.
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* « L'âme, c'est notre peuple [au sens ethnique] vu de l'intérieur » : conception du courant völkisch allemand, fin du XIXe siècle. Obsédée par le passé et les racines, cette idéologie prétendait se brancher sur ''l'énergie du peuple des origines'' (Urvolk) : mythe posé comme antérieur et supérieur au « christianisme d'importation », donc capable de le phagocyter.
19:41 Publié dans AVEC LE PAPE FRANÇOIS, Europe, Pape François | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : pape françois, christianisme, europe
Commentaires
CAMUS ET LE PAPE
> Effarant Renaud Camus (celui qui se fait "chrétien de civilisation" et qui aime les églises seulement lorsqu'elles sont vides) sur Twitter après la lecture des gros titres de l'entretien du pape :
"La catholicisme, malgré son nom, nous avait protégés du christianisme. Le pape revient à l’interchangeabilité remplaciste des origines."
"Paul de Tarse, premier remplaciste ? « Il n'y a plus ni Juif ni Grec, il n'y a plus ni esclave ni libre, il n'y a plus ni homme ni femme»."
"De mieux en mieux : « Le pape rejette l’idée des racines chrétiennes de l’Europe ». Quand vous révolterez-vous ?"
Cela dit, j'attends vos remarques sur certains propos du pape dans lesquels je vois beaucoup de naïveté et dès lesquels je ne le suis plus (sur la "guerre et les marchands d'armes", et sur le Liban ou le Centrafrique "avant la guerre").
Virgil
[ PP à Virgil
- Les propos de Renaud Camus sont purement et simplement du Maurras (première époque : avant les salons des duchesses et l'Académie française).
- L'aversion de l'athée Camus envers le pape n'est qu'une expression extrême de l'allergie de la droite... catholique ! Sujet dont nous parlons souvent ici, et dont l'Eglise de France commence à constater la réalité.
- Le pape est tout sauf naïf. Ce qu'il dit de la Centrafrique et du Liban avant les désastres n'est pas inexact. Et il faut s'interroger sur les causes - multiples - de ces désastres... ]
réponse au ciommentaire
Écrit par : Virgil / | 17/05/2016
> Quand de bonnes familles nantaises, dont nombre d'entre elles ont encore biens, réputation et bonnes places grâce à la traite négrière qui prospéra jusqu'au XIXe, détournent l'anniversaire de l'abolition de l'esclavage pour donner le fouet aux pro-GPA, du haut de leur blancheur de familles très chrétiennes, sont mises à jour des structures psychiques d'aliénation intergénérationnelle, symptôme d'un colonialisme qui continue de faire les beaux jours d'une laïcité intolérante par effet miroir. Qu'elles vendent leurs immeubles des beaux quartiers et leurs propriétés sur la côte, qu'elles renoncent à leurs cabinets en ville, leurs bonnes places dans les banques, pour mettre le tablier du serviteur, et alors commencera l'évangélisation! Pour nous il n'est d'autre témoignage que celui du repentir.
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Écrit par : Anne Josnin / | 18/05/2016
RECENTRER
> Oui, recentrer cette notion des "racines chrétiennes" est aujourd'hui essentielle; car elle est en passe d'être complètement dénaturée par certains courants néfastes qui effectivement l'instrumentalisent dans une perspective idéologique.
Exemple bien connu: l'Action française qui fagote Jésus et Jeanne la Pucelle à sa guise en les mettant au service d'une cause douteuse. Il y en a d'autres (Tradition Famille et Propriété etc...).
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Écrit par : Pierronne la Bretonne / | 18/05/2016
LA PERSONNE DU CHRIST, PAS UN PASSÉ FANTASMÉ
> Pourquoi tant insister là-dessus de la part de gens qui se disent chrétiens? La vraie question pour un chrétien est de rencontrer le Christ dans sa vie, personnellement, pas de parler d'un passé plus ou moins fantasmé. Evangéliser, c'est cela, amener des hommes et des femmes à rencontrer personnellement le Christ là, maintenant, pour qu'Il devienne le fondement de leur vie, de leur personne, de manière à ce que eux prennent racines en christ.
J'ai bien peur que cette histoire des racines chrétienne de la France (mais on peut dire aussi de l'Angleterre, de la Suisse, de Monaco, etc.) ne soit un bon prétexte pour ne pas évangéliser réellement, pour ne pas rencontrer le Christ tout en la jouant catho évangélisateur.
Ont-ils peur, ces bons cathos franco-chrétiens, de ce qu'ils peut leur arriver en parlant du Christ et pas des racines ? Ont-ils peur de Le trouver finalement ?
VF
[ PP à VF :
C'est la question que l'on se pose en sortant de discussions sur Facebook avec des bergogliophobes.
Aucun ne se situe sur le plan de la foi.
Tous se situent sur le plan du "passé fantasmé" et des procès d'intentions, issus de préjugés.
Mais aucun ne semble en avoir conscience.
Ce qui est en train d'apparaître au grand jour, c'est qu'une bonne partie des athées pieux sont dans la posture du Maurras de 1890 : être pour un "catholicisme" censé nous protéger du "christianisme".
Et qu'une bonne partie des cathos de droite pactisant avec les athées pieux (voire impressionnés par eux) ne veulent pas savoir que la logique de cette posture est antichrétienne... ]
réponse au commentaire
Écrit par : VF / | 18/05/2016
CE QUI A DU SENS
> @ VF - Vous avez raison, il ne faut pas s’attacher de manière inappropriée aux racines chrétiennes de la France. Cela n’aurait aucun sens. Pas plus qu’il ne faut s’attacher de la même manière aux racines bibliques du christianisme. J’ai ouï un jésuite qui nous a posé une question : pourquoi a-t-on écrit la Bible ? Personne n’a été capable de répondre. La réponse c’est : pour se souvenir que Dieu a fait du bien par le passé, ce qui veut dire qu’il en fera encore dans le futur. Les juifs qui ont écrit la Bible avaient d’autant plus de raison de le penser qu’ils ne croyaient pas, jusqu’à une certaine époque, à la résurrection ; d’où : « Est-ce pour les morts que Tu fais des miracles ? Les morts se lèvent-ils pour Te louer ? » (Ps 88,10, voir aussi Ps6, Ps 115, etc) C’est la seule est unique raison.
Se souvenir des racines chrétiennes de la France, pour se souvenir d’un passé « glorieux » ou je ne sais quoi de tel, n’a absolument aucun sens. Si c’est se souvenir pour se fermer à ce que Dieu peut encore faire aujourd’hui, ce sera parfaitement stérile.
En revanche si le christianisme peut apporter quelque chose, comme le Christ s’est fait serviteur en donnant sa vie en rançon pour la multitude, alors ça peut valoir le déplacement de se souvenir de racines.
On a tous entendus ces prêtres qui nous tenaient des discours : donnez leurs vous-mêmes à manger ; ce n’est pas qu’il n’y a plus de curés et que faute de grives on bouffe des merles, mais les chrétiens sans le don, ça ne sert pas à grand-chose. Si le christianisme est au service de la société cela a un sens.
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Écrit par : ND / | 18/05/2016
LE CHRISTIANISME N'EST PAS UNE RELIGION OCCIDENTALE
> Cette évocation (pour ne pas dire invocation) des "rcdlF" me fait penser à deux choses :
- Rémi Brague préfèrait le mot de "sources" à celui de racines, et je trouve cette préférence porteuse de sens.
- les "rcdlF" nous ramènent aussi, ou devraient nous ramener, idéalement, aux racines chrétiennes "tout court". Ce sont des racines qui se trouvent dans l'actuelle Turquie (hôte des 7 premiers conciles), dans l'actuel Irak, dans l'actuelle Syrie, etc.
Il faut rappeler, constamment -- et la dernière émission sur "la fin des chrétiens d'Orient" sur Arte il y a deux ou trois jours -- que le christianisme n'est pas une religion occidentale (ce que ni l'EI ni nos nouveaux semi-Maurras ne veulent entendre).
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Écrit par : Virgil / | 19/05/2016
à "henri"
> Monsieur,
Vous pourriez parler de "censure" si chacun avait un droit d'expression chez autrui. Ce n'est pas le cas : d'autant que vos messages ne sont pas signés.
Par ailleurs, ce blog n'est pas un mur ouvert à n'importe quelle opinion. Vous n'aurez aucun mal à trouver des sites qui accueilleront la vôtre.
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Écrit par : à "Henri" | 24/05/2016
DÉBAT
> "N'importe quelle opinion" et si vous laissez vos lecteurs juger et si vous daignez répondre et laisser un débat s'installer sans ce mépris .
Je vous donne un plus long message et laisse à votre conscience le soin de le censurer ou nom. Maintenant si vous exigez le nom entier, je vous le donne volontiers, ajouter Peter, mais c'est par discrétion que je gardais le prénom comme d'autres le font Il me semble que certains sites m’accueille , mais là n'est pas la question .
L’expression " racines chrétiennes "ou du moins son affirmation uniquement d'un point vue agressif, peut poser problème. Je vous accorde qu'il peut y avoir un mésusage de cette expression et que ces fameuses racines il faut d'abord les faire vivre avant de les proclamer.
Vous voulez éviter la guerre ou le conflit. Moi aussi, justement la paix ne pourra se rétablir que par des relations concrètes, donc pour vouloir la paix il faut la voir dans le regard de l’autre ce qui est éminemment chrétien Il faut faire ce pari et à ce titre e l’ouvrage d e Pierre Manent est intéressant, ouvre le débat, mais apporte-t- il la solution définitive ? Il n’ya pas que la laïcité à la française qui pose problème à certains Musulmans. Rappelons-nous le sort « des croisés abattus à la terrasse des cafés.
Il faudrait donc par une politique de médiation, revenir au droit des gens, au dessus des nations, et le refus des conquêtes, des ingérences, notions justement issues de ces racines chrétiennes. Talleyrand n'était pas un modèle de vie chrétienne, c’est pourtant lui en 1814, qui avec l’appui du Roi a rétabli au nom du droit des gens la paix en Europe pour un siècle, en exorcisant la tentation totalitaire et la démesure de Napoléon., otage de la révolution française. Il a tenté de sauver la civilisation européenne, et implicitement ses racines chrétiennes qui l’avaient forgée à travers une histoire souvent tourmentée et lui a permis de respirer.
Pendant la première guerre mondiale, c’est bien implicitement et explicitement au nom de ces racines chrétiennes que Benoit XV s’est adressée à l’Europe pour la sauver du désastre.
Le pape alors n’était pas en mesure d’imposer sa médiation pratique mais s’il avait été plus écouté, et compris et si on n’avait pas saboté les offres de L’’Empreur Charles d’Autriche-Hongrie, on aurait évité de retomber dans l’affrontement idéologique et d e nourrir les convulsions e l’Europe ensuite. Ceux qui ont ensuite résisté à ses conséquences, le communisme et le nazisme, c’est au nom en général d’une reviviscence de leurs racines chrétiennes s. Certains n’avaient plus la foi comme Camus, mais ils en étaient baignés. ,
Donc, Il ya donc un bon usage du rappel de ces racines chrétiennes justement pour rétablir la paix et nous défendre quand nous sommes agressés et c’est le cas.
Toute la difficulté est de trouver le bon interlocuteur quand nous sommes agressés, et c’est bien le cas
Quand le pape François par tactique ou autre raison met publiquement en examen l’évocation des racines chrétiennes » se focalisant sur son mauvais usage, cristallisant sur elle la tentation »d e la montée aux extrêmes, »avec son mot malheureux sur le colonialisme, et la fuite en avant idéologique alors que c’est justement par leur bon usage qu’on peut . Rétablir la paix, en Europe, il nous plonge dans le désarroi.
Ce qui me parait préoccupant, c’est qu’il semble oublier, que si Jean –Paul II les a nommément évoquées et revendiquées, c’est au nom de la vérité historique et pour nous prémunir de cette tentation des totalitarismes qu’il a vécus dans sa chair en Pologne, et on ne bâtit rien dans la durée sans la vérité historique. C’est toute la volonté de transmettre en cette période trouble qui est jeu transmission qui est en jeu. Et de quoi souffrent les Musulmans sinon de notre er manque de consistance, de notre nihilisme sournois Après avoir rendu hommage à Dostoïevski et au sortir d’un office orthodoxe qui l’a bouleversé Hans s Scholl écrit en aout 1942 six mois avant son exécution, mort en héros de la Résistance.
« Le nihilisme spirituel a été un grand péril pour la culture européenne. Mais des qu’il a connu son ultime conséquence dans la guerre totale, à laquelle nous avons fini par succomber et où il a voilé le ciel magnifique sous une mer de nuages gris, il a été vaincu. Après le néant, plus rien ne peut venir. Mais il faut bien que quelque chose arrive, parce que toutes les valeurs ne sauraient être détruites chez tous les hommes, et qu’il existe toujours des gardiens pour rallumer la flamme, et la transmettre de l’un à l’autre, jusqu’à ce qu’ une nouvelle vague de renaissance submerge la terre.. Le voile gris des nuages sera pour ainsi dire déchiré par le soleil d’un nouveau réveil religieux. »
N’est-ce pas une invocation aux racines chrétiennes de l’Europe, un appel au secours aux antipodes de toutes formes de pression, un pas vers les Musulmans sincères en quête de sens et d‘une commune transcendance et non otage du pire de notre nihilisme (Là aussi François semble en retrait de Benoit XVI) à confesser et de l’Islamisme.
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Écrit par : Henri Peter / | 26/05/2016
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